Une source purement Métaphysique
Nous pourrions penser que la recherche des fondements passe nécessairement par une étude historique de l’astrologie et de son peuple, mais il n’en est rien ou presque rien. Il serait tout à fait vain de vouloir adhérer à la méthode historique, car nous ne parviendrions pas à trouver l’origine (1) de ce qui a été primitivement une tradition orale. C’est lorsque l’on prend conscience de ce qui fait précisément une tradition authentique, c’est à dire lorsque que l’on comprend qu’elle procède d’une origine unique qui se manifeste d’un seul coup, telle la foudre, que sa source est un point hors de l’espace et hors du temps, donc non humain, c’est donc lorsque l’on perçoit que cette essence prend la forme première d’un agrégat purement intellectuel au moment où elle se manifeste sur terre, qu’il devient évident qu’on ne peut attacher aucune valeur à la recherche de preuves pondérables que des hypothèses purement analytiques et le déferlement technologique ne peuvent saisir. En effet, comment donner une quantité à une mélodie, à la beauté, à la tristesse, à la mort.
Comme nous l’avons dit dans la page de présentation, l’essence des traditions c’est l’Union de la Sagesse, de la Force et de la Beauté. Et c’est en se tournant vers les Indiens d’Amérique, que l’on peut le mieux percevoir la force de cette triade sublime qui se décline sous des vocables différents mais toujours principiellement identiques dans les autres peuples authentiquement traditionnels. Ces hommes traditionnels sont Sages parce qu’ils considèrent que tout ce qui “est” est sacré. Ils ont la Force, parce qu’ils ne s’usent pas à des activités puériles, et savent puiser la puissance dans l’Univers même qui est tout autour d’eux mais aussi en eux-même. Ils savent transformer la matière en objet de Beauté, parce que leur esprit est tourné vers le Spirituel (la métaphysique) qui leur donne une inspiration Céleste. Détaché de tout individualisme, qui conduit irrémédiablement a se considérer Étranger par rapport aux autres, les actes des hommes traditionnels ne sont qu’humilité, parce que négligeables devant les forces de l’Univers. Les objets d’arts traditionnels ne sont jamais signés, car ce qui importe à l’artisan qui le réalise, c’est de confectionner une oeuvre comparable à l’œuvre cosmique. Et la flamboyance non-ordinaire des monuments, des objets d’arts, des textes traditionnels, montre qu’ils sont l’émanation d’une “Connaissance Non-humaine”, fait par des individus inconnus qui par leur nature particulière et leur aptitude à s’identifier à cette Connaissance Universelle, ont “transformé” (à prendre dans le sens éthymologique) la matière pour lui donner la force des lois métaphysiques.
(1) Nous donnons pour illustrer nos propos un texte Taoïste qui montre que l’histoire est sujette à mille interprétations, dont le seule juste est celle mise en lumière par la Connaissance telle que nous l’avons envisagée dans la présentation, c’est à dire sans l’intercession de l’homme. “Confucius posa d’abord au grand historiographe Ta-t’ao, puis à Pai-tch’anqk’ien, puis à Hi-wei, cette même question: Le duc Ling de Wei fut un ivrogne et un débauché; il gouverna mal et manqua de parole. Il aurait mérité une épithète posthume pire que celle de Ling. Pourquoi fut-il appelé Ling ? – Parce que le peuple, qui l’aimait assez, le voulut ainsi, répondit Ta-t’ao. – Parce que les censeurs lui accordèrent des circonstances atténuantes, dit Pai-tch’anqk’ien, à cause du fait suivant: Un jour qu’il se baignait avec trois de ses femmes dans une même piscine, le ministre Cheu-ts’iou ayant dû entrer pour affaire urgente, le duc se couvrit et fit couvrir ses femmes. On conclut de là que ce lascif avait encore un reste de pudeur, et on se contenta de l’appeler Ling, relevant sa note. – Erreur, dit Hi-wei Voici le fait: Après la mort du duc, on consulta la tortue, sur le lieu où il faudrait l’ensevelir. La réponse fut: pas dans le cimetière de sa famille, mais à Cha-k’iou. Quand on creusa sa fosse à l’endroit indiqué, au fond on trouva une sépulture antique. La dalle qui la fermait ayant été amenée au jour et lavée, on y lut cette inscription: ni toi ni ta postérité ne reposera ici, car le duc Ling y prendra votre place. L’épithète Ling lui était donc décernée par le destin, voilà pourquoi on la lui donna… Conclusion, la vérité historique elle aussi n’est solide, que quand elle dérive du Principe.” (Tchoang-Tzeu, Chap 25-I, Les pères du système Taoïste, Léon Wieger, Editions Les Belles Lettres)
L’Astrologie une science exotérique de la tradition Taoïste
Comme nous l’avons dit, un peuple traditionnel cherche à se conformer en toute connaissance de cause aux principes énoncées par sa tradition, non point pour s’asservir à des dogmes, mais pour ouvrir sa conscience aux domaines bien plus vastes de la supra-conscience. Il suffit d’écouter le vieux Sage Sioux “Elan Noir (1)” pour comprendre la tragédie que les Wasichous leur ont fait subir. Parce que les amérindiens étaient un peuples heureux, emprunt d’une Sagesse, d’une Force et d’une Beauté de vie indéniable, nous ne pouvons que pleurer le sort qui est le leur.
Pour ne considérer que la Chine qui est l’objet de notre étude, le souffle de l’Esprit traditionnel a pris le nom de Taoïsme sous Lao-Tseu, et (bien avant) le Yi-King a été la première formalisation écrite de cette doctrine dont on ne peut fixer l’origine temporelle tant elle remonte loin dans le passé, mais il en est ainsi aussi parce qu’elle est de nature supra-humaine. Ésotérique et métaphysique, le Yi-King exprime une Voie, qui s’énonce suivant une hiérarchie Ciel-Homme-Sol, des cycles cosmiques (le cycle des transformations) et des principes de concordances.
Cette conformité au souffle de l’Esprit traditionnel, fait que chaque instrument utilisé par le peuple est porteur de l’essence la plus pure de la tradition, et contient tout les principes qui en font sa charpente. Ainsi, des sciences métaphysiques aux sciences applicatives, des objets symboliques les plus sacrés aux objets les plus usuels, tous sont porteurs des principes de la tradition et deviennent de cette façon objets de méditation et d’élévation spirituelle pour chaque individu. Mais la hiérarchie principielle qui préside en tout, a pour conséquence de placer chaque élément de la manifestation plus ou moins proche de la source même de la tradition. C’est pour cette raison que toute chose peut être définie comme plus intérieure ou plus extérieure à la tradition. De cette façon, le Yi-King peut être vu comme le centre même de la tradition écrite Taoïste, la médecine chinoise comme une science intermédiaire, enfin l’astrologie comme une science très extérieure.
Pourquoi placer l’astrologie chinoise comme une science exotérique ? Il y aurait plusieurs raisons à invoquer, mais la plus flagrante est qu’elle n’est pas une science purement métaphysique, c’est-à-dire qu’elle est en charge d’étudier comment l’individu se situe dans le domaine contingent de la manifestation, c’est à dire dans ce qui est en deçà de la métaphysique. Et les anciens savaient l’effet pernicieux de ce genre de science, c’est qu’en exprimant l’aspect le moins profond de la doctrine de la tradition, il est extrêmement aisé de se couper de la source fondatrice de cette science ; la Métaphysique. Tout ce qui fait l’essence profonde de l’astrologie chinoise, est la métaphysique et plus particulièrement tout ce qui touche aux “états multiples de l’Être” vu par rapport au Principe Suprême qui n’est autre que la Connaissance à l’état pur, ou ce qui est appelé aussi la Perfection.
(1) Lire pour cela “Elan Noir Parle”, John G. Neihardt, Éditions Le Mail
et “Les Rites secrets des Indiens sioux”, Joseph E. Brown, Éditions Le Mail